Il y a cette phrase que l’on entend beaucoup : « il y a eu un avant et il y aura un après COVID-19 ». La chose semble effectivement se dessiner ainsi chaque jour un peu plus. Pour autant, il est difficile de savoir ce qui va réellement rester des nouveaux usages issus de circonstances imposées. Par ailleurs, l’étirement dans le temps du retour à la « vie normale » perturbe encore notre capacité à avoir les idées claires.
Une chose est sûre, la période aura été brutale pour tout le monde, même si quelques-uns y ont finalement trouvé un certain confort. Encore plus qu’à des changements, chacun a été confronté à de vrais bouleversements dans ses repères professionnels et de vie.
Avant même de parier sur un autre avenir, il est dès à présent important d’amortir le choc des semaines passées et d’organiser une sortie efficace de cette gestion de crise. C’est toute la place que la Qualité de Vie au Travail doit prendre aujourd’hui pour les Hommes et les organisations.
Chacun son histoire de COVID
Tout est d’abord allé très vite, et toute la société a dû se repenser en quelques heures. Les entreprises, les services à la collectivité et les Hommes se sont mis en ordre de bataille avec civisme et énergie, mais surtout avec les moyens du moment. Pris de court, chacun a pris sa part, mais avec le temps se sont révélés un certain nombre de questionnements quant à son rôle dans la solidarité nationale, sa place dans l’entreprise et son rapport à la famille, aux amis et à l’autre en général. Toutes ces réflexions ne sont pas neutres pour la construction d’une bonne reprise, mais la difficulté réside dans la prise en compte de vécus complètement différents qui vont devoir cohabiter ensembles. Parmi ceux-là :
- Les dirigeants d’entreprise : même sous le choc, il leur a fallu décider d’un plan d’actions pour sauver à terme l’entreprise et les emplois. L’énergie à déployer au quotidien pour s’informer, bénéficier des mesures gouvernementales, réorienter éventuellement l’activité, ou tenter de prévoir un futur tout en garantissant la sécurité des salariés est énorme. L’impatience à la reprise peut faire craindre que le rattrapage du CA devienne le premier objectif, avec toute la pression que cela implique pour tout le monde, et ce au détriment d’un redémarrage fondé sur la performance du travail. Et pourtant, c’est bien le travail des Hommes qui a été le principal sujet du volet économique de cette crise sanitaire.
- Les DRH : ils sont sur tous les fronts depuis le premier jour, et même la veille. Ils sont au cœur de l’organisation et de la mise en pratique des réorganisations successives du travail. En plus du Plan de Continuité d’Activité (PCA) de l’entreprise, ils ont dû intégrer l’ensemble des mesures gouvernementales, gérer l’activité partielle, le télétravail, les arrêts de travail pour garde d’enfants, les éventuelles demandes de droit de retrait, la sécurité des salariés encore sur site, la santé des collaborateurs hors site, les grandes orientations de la communication interne, les réflexions sur le maintien des niveaux de rémunération… En permanence en action, voire sur-sollicités, ils sont engagés dans une période de transition où tous les choix sont sensibles. Ils n’en sont qu’au début car une grande part de la mécanique future se dessine dès à présent avec eux, à condition qu’ils puissent mobiliser du temps.
- Les managers intermédiaires : placés au cœur de l’intelligence collective, on leur a rapidement fait porter l’efficacité du télétravail. Une grosse responsabilité pour des managers qui n’y étaient pas tous préparés. Certaines formes de management, et donc de managers, ont été mis à mal. Faire des efforts de proximité, apporter des réponses immédiates et concrètes aux interrogations, s’assurer de la santé de ses collaborateurs, réorganiser les priorités selon la nouvelle règle du « stratégique et réalisable à distance », rendre autonome, faire confiance, travailler en mode projet… autant de nouveaux comportements, et donc des responsabilités et de surcharges, qu’ils ont dû affronter tout en vivant le même isolement que les membres de leur équipe.
- Les collaborateurs : tout un univers de vécus différents sont apparus, y compris au sein d’une même structure :
- Le salarié resté en activité pendant le confinement avec toute l’anxiété que cela a pu provoquer et l’investissement au quotidien pour l’entreprise, sans pour autant bénéficier de la même mise en lumière que « les premières lignes » ;
- Le télétravailleur satisfait qui apprécie de limiter ses déplacements et de reconfigurer un peu sa vie ;
- Le télétravailleur qui cherche ses marques. Habité par un sentiment d’isolement dans son activité, il peut aussi avoir avec l’impression d’en porter plus que d’habitude. Contrairement aux idées reçues, la situation est très fatigante car elle nécessite des efforts d’adaptation permanents, ne serait-ce qu’aux outils de communication qui bouleversent complètement le modèle relationnel ;
- Le salarié au chômage partiel qui se demande pourquoi lui et pas son collègue, et qui en conséquence s’interroge sur son rôle dans l’entreprise ;
- …
Une bonne adaptation pour les uns, une rude épreuve pour les autres, mais surtout le risque de créer de l’incompréhension entre chacun et des clans au sein des entreprises.
Au quotidien, c’est aussi toute une série de questionnements sur les modes de vie et de consommations qui a été mis en évidence. Autant de sujets qui peuvent faire évoluer les attendus des salariés.
Le déconfinement sous surveillance est encore une nouvelle étape avec probablement encore quelques prises de conscience. C’est un moment délicat mais qui ne présage pas de l’avenir. Il est nécessaire de se séparer de ses réflexes d’urgence et de mener des actions immédiates de Qualité de Vie au Travail pour assurer un atterrissage non violent.
Comment mener l’action QVT
Les circonstances sont telles que la gestion par l’urgence semble primer. Au cœur des réflexions, la santé des personnes et la survie des entreprises. Pour autant, l’erreur serait de penser que les mesures barrières bien respectées sont la clé pour les entreprises d’un redémarrage immédiat et offensif de l’activité. On peut aussi se dire que le temps viendra peut-être plus tard de réfléchir sérieusement à ce qui est à retenir de cette expérience si particulière pour l’organisation du travail.
Pendant cette période qui s’étire, nombre de référentiels ont été malmenés, et entre autres, le lien entre l’entreprise et ses salariés. Ce lien entre la performance et le bien-vivre, c’est la QVT. Elle dépasse largement le cadre unique de la santé au travail, et sans cette vision transverse, le redémarrage peut être plus chaotique que prévu. Alors comment agir efficacement ?
- Faire le choix des Hommes : nombre d’entreprises exsangues sont confrontées à la nécessité d’un rebond rapide. Pour autant, si des arbitrages budgétaires étaient à réaliser, il serait dangereux de s’orienter uniquement sur la reconquête de ses marchés ou la mise en place de technologies plus performantes. Le vrai moteur est la robustesse des forces vives. Les collaborateurs ont majoritairement vécu une période compliquée pendant laquelle ils ont pris conscience de la pression au retour. Mais il y a des préalables à une remise en route efficace. Sans s’épancher à l’infini, il est important de prendre le temps de l’écoute et de l’échange.
- Avec son manager, cela permet d’évoquer son expérience de vie au quotidien mais surtout, tous les questionnements sur l’importance de son rôle dans l’entreprise, ses inquiétudes quant à l’avenir ou ses difficultés de fonctionnement en mode dégradé.
- Entre les équipes, il est nécessaire de retrouver une forme de convivialité mais surtout d’éteindre les éventuels ressentiments liés à des différences de situations pendant le confinement. Le temps n’est bien sûr pas au rassemblement physique des équipes, mais plutôt à la mise en place de rituels communautaires avec des outils technologiques ou de bon sens. L’important est de remettre en place le collectif.
- Penser la QVT aussi hors des murs : jusqu’à présent, les réflexions sur les conditions de travail et les solutions QVT étaient plutôt sur site, laissant ainsi au CSE les actions extérieures. La « délocalisation forcée » des collaborateurs change la donne. Les télétravailleurs ont besoin de support pour assurer l’ergonomie de leur environnement de travail, de pédagogie sur l’organisation et l’équilibre des temps de vie et de travail, d’accompagnement sur les nouveaux modèles managériaux, mais aussi des mêmes possibilités de détente et de gestion du stress que les autres collaborateurs. Le temps du télétravail massif n’est pas terminé et la santé au travail se gère aujourd’hui beaucoup au domicile.
- Donner un élan à la communication : avec le retour au travail d’une partie des salariés se crée une illusion de proximité qui peut ralentir les efforts de communication interne. La période étant particulièrement anxiogène, il ne faut pas baisser la garde sur l’information pour éviter une perte d’efficacité liée à de nouveaux questionnements. Les salariés ont besoin de connaitre l’intégralité des mesures de sécurité prises pour eux, mais aussi de se reconnecter à un collectif par de l’actualité, de connaître le cap décidé par la Direction… De nombreux canaux de communication sont envisageables mais les choix doivent être réfléchis en fonction des populations et des usages pour être sûr d’atteindre les objectifs de partage d’information. C’est une construction plus complexe que la création de supports, il s’agit peut-être aussi d’installer d’autres habitudes, voire nouvel élément dans l’organisation même du travail.
Conclusion :
Parce que l’arrêt soudain de l’activité a été violent, il faut s’accorder un peu de bienveillance sur le chemin inverse. Même si la reprise est techniquement en pente douce, cela reste un challenge. Tout le monde a besoin aujourd’hui de gagner pour se rassurer ou revenir à un sentiment de normalité. Dans ce contexte, les actions QVT vont permettre d’amortir le choc avec l’objectif ultime pour les Hommes comme pour l’entreprise d’éviter les trous d’air. Cet aspect du redémarrage est indispensable, et si le temps manque, il ne faut pas hésiter à aller chercher les ressources en externe.