Beaucoup des professionnels de la Qualité de Vie au Travail ont un jour entendu : « c’est intéressant ce que vous faîtes, et en plus c’est très à la mode ». Il y a encore quelques semaines la phrase était déroutante, aujourd’hui, elle crispe car c’est précisément de la QVT dont les entreprises vont avoir besoin pour bien repartir…
A l’heure où les conditions de travail sont bousculées par la crise sanitaire, ramener la QVT au statut de tendance passagère est inconséquent pour la suite. Ce serait nier que c’est l’étape la plus avancée dans l’apprentissage permanent de la convergence des intérêts entre l’Homme et l’Entreprise. Si nous voulons nous diriger dans ce « nouveau monde » qui se fabrique en ce moment même, il est donc temps de remettre les choses à leur place et d’arrêter de penser que la QVT n’est que le masque de la bien-pensance des grands groupes ou la dynamique trendy des start-ups.
Il y a toujours une nouvelle perspective de réflexion !
Faire cohabiter efficacement le salarié et son travail est un sujet de tous temps. Les cités ouvrières sont ainsi nées de l’insuffisance de logements pour les mineurs, et ont évolué ensuite vers plus de confort et d’équipements collectifs. Le paternalisme d’alors est bien l’expression de cet échange de bons procédés qui consiste à donner pour recevoir, l’échange vertueux de conditions de vie améliorées contre de la force de travail et de l’obéissance. On peut poser un regard sévère sur cette période, mais à bien y réfléchir, le fond de notre sujet y est déjà.
Avec la montée en puissance des enjeux économiques autours du travail et de son organisation, mais aussi des nouvelles sensibilités de la société, la réflexion s’est plus orientée depuis le début des années 90 sur la prévention via la prise en compte des RPS (Risques Psycho-Sociaux). Impossible pour l’entreprise de nier leurs coûts sur sa performance, ou pour la société de ne pas noter la montée en puissance des burn-out, bore-out et autres amis de la famille. Et comme prévenir, c’est guérir (ou presque…), cette approche préventive des conditions de travail maintien les bénéfices pour les deux parties tout en limitant les coûts humains et financiers des traitements curatifs.
Alors pourquoi l’apparition de la Qualité de Vie au Travail ? Parce que Risques Psycho-Sociaux c’est anxiogène, alors que Qualité de Vie au Travail amène un vent frais ???… Ce n’est pas complètement faux, il y a toujours une part d’effet de communication dans le lancement de nouveaux concepts. Pour autant, s’arrêter là serait nier une nouvelle perspective dans la réflexion sur les conditions de travail.
Et aujourd’hui on attend quoi ?
Avec l’Accord National Interprofessionnel (ANI) de 2013, la QVT devient un outil de la construction d’un lien vertueux entre l’entreprise et ses salariés, entre la performance et la compétitivité d’une part, et l’accomplissement et le bien-vivre des personnes d’autre part. Il était en effet temps de s’intéresser à ce qui met le collaborateur en action et à ses vertus pour une société en générale.
Pour tout le monde, le rythme des changements s’est accéléré ces dernières années dans les technologies, les organisations, les modes de travail, mais aussi dans les attendus de l’entreprise. La crise sanitaire actuelle rebat encore les cartes avec brutalité. En quelque sorte, les référentiels qui normalement rassurent deviennent précaires car tout peut changer à tous moments.
En parallèle, le salarié des années 2020 n’est plus celui des trente glorieuses. Celui qui tirait à coup sûr les fruits de son engagement n’existe plus aux yeux de beaucoup. Dans cet univers qui bouscule et ne sait plus reconnaître le mérite, que devient la confiance, le lien indispensable entre l’entreprise et ses collaborateurs ? Les bases de cette confiance doivent se reconquérir et la QVT a alors un rôle à jouer.
Aujourd’hui plus que jamais, une politique QVT active doit avant tout être pragmatique. Il s’agit d’apporter des solutions permettant de développer un potentiel ou de répondre aux faiblesses du moment de l’entreprise :
- Comment permettre aux collaborateurs de bien travailler seuls, en collectif, sur site, hors site, et passer de l’un à l’autre sans difficulté…
- Comment générer plus de performance grâce au contenu du travail, à la réalisation personnelle, à la reconnaissance de l’effort…
- Comment assurer le partage de la bonne information, rassurer, maintenir toujours le dialogue social, créer une dynamique collective…
- Comment concilier de façon pratique vie professionnelle et personnelle
- …
On s’est mis à parler bonheur… et là, c’est le drame !
LA QVT s’intéresse donc à l’Homme dans tout ce qu’il est et dans toute la diversité de ses besoins. De là à parler de bonheur au travail, le raccourci s’est fait rapidement dans certaines bouches. Ont suivis quelques éléments de langage un peu lyriques tels que « ré-enchanter l’expérience collaborateur », « créer un cadre inspirant pour la créativité » etc… Des notions bien éloignées des préoccupations pratiques de beaucoup d’organisations, mais aussi de ceux qui vivent quotidiennement le mal-être au travail.
La création de nouveaux métiers tels que les Chief Happiness Officer, Responsables de l’Expérience Collaborateur, etc…, brouille encore les cartes de la QVT. Ils sont facilitateurs, médiateurs, fédérateurs, pourquoi pas révélateurs de talent. Ils accompagnent le développement d’une stratégie humaine, de la marque employeur et guident l’entreprise sur de nouveaux modèles de collaborations. Bien mené, cela peut avoir un vrai sens dans l’évolution du travail. Cependant, ils sont plus généralement dans des grands groupes ou dans des structures qui s’identifient comme start-up. Autrement dit, des contextes et discours très typés dans lesquels toutes les entreprises ne se retrouvent pas.
De surcroît, certaines associations d’idées se sont installées avec le temps : la QVT c’est le babyfoot, les massages, les after work, les canapés et pourquoi pas le toboggan. Pourquoi pas effectivement, mais c’est très réducteur et surtout complètement déconnecté des univers sous tensions. Or c’est bien là que la question de la QVT est la plus aigüe. A bien y réfléchir, la QVT se trouve partout où l’organisation et les collaborateurs ont besoin d’être soulagé, boosté, rassuré. Le ludique et le festif sont des outils bien utiles mais dans des moments particuliers. Ce ne doit pas être une philosophie d’encadrement du travail car le lien entre le collaborateur et son entreprise est plus riche quel que soit la taille ou l’ambition de l’entreprise.
Conclusion :
La QVT n’est ni de l’angélisme gâteux pour une société qui cherche ses marques, ni un habillage propret d’une réalité de plus en plus dure pour les salariés, ni même un concept creux ou un phénomène de mode. C’est un vrai facteur de durabilité pour les entreprises comme pour la société. Encore faut-il s’échapper des idées toutes faites et accepter de se lancer dans cette démarche à partir d’une réflexion construite. Et surtout, il est impératif que la QVT trouve sa place dans toutes les structures avec des formats adaptés.